Atelier conte
Le roi Kolidjombo, le prince Tende et les zèbres
BOMANDORO était un royaume situé quelque part en Afrique. Le fleuve GUIBANOU, où l’or et le diamant foisonnaient tellement que même les ustensiles de cuisine en étaient plaqués, traversait d’un bout à l’autre ce royaume. L’histoire nous dit qu’à BOMANDORO, le jour et la nuit étaient confondus. Tous les intellectuels de la terre venaient se former dans les écoles de sa capitale où trônait un roi généreux et aimé par tout son peuple. Ce roi s’appelait KOULIDJOMBO, c'est-à-dire, celui qui est capable de traverser un fleuve à pied. Ce roi avait un fils dénommé TENDE qui devait lui succéder.
TENDE avait des courtisans qui pour plaire au futur roi, lui conseillèrent de demander à son père d’être nommé à la tête de l’une des provinces du royaume, notamment, la province de GBAZA qui regorgeait de richesses.
- Papa, j’ai vingt cinq ans maintenant. Je viens de me marier à la plus belle fille du royaume. Je voudrais apprendre l’exercice de mes futures fonctions à la tête de la province de GBAZA. Je souhaiterais également que tu me communiques le secret de la marche sur le fleuve sacré de GUIBANOU.
- Je commencerai, lui dit son père, par ta dernière préoccupation : le pouvoir de marcher sur le fleuve GUIBANOU, je le tiens de zèbres, nos alliés et amis qui m’ont octroyé le territoire sur lequel je règne et qui sont les véritables maîtres du fleuve. Seuls les zèbres, gardiens du costume royal confectionné à base de leurs peaux, peuvent donner ce pouvoir. Si tu veux administrer la province GBAZA, tu dois prêter serment sur le fleuve de ne jamais trahir notre alliance avec les zèbres nos alliés de toujours. Tu dois te souvenir que toutes les actions d’un chef doivent tendre vers un seul et même objectif : le bonheur de son peuple. Tu dois enfin garder présent à l’esprit qu’être chef, ce n’est pas se servir, mais servir.
- Et TENDE jura : Je servirai mon peuple et jamais je ne trahirai nos alliés.
La cérémonie d’installation du nouveau gouverneur de la province GBAZA eut lieu dans les formes prescrites par la tradition et le pacte signé avec les zèbres. TENDE commença dès lors à administrer sa province en rendant de temps en temps compte à son père. Jamais il ne prenait de décision sans le consulter au préalable. Sa province respirait la paix, la sécurité et la bonne entente. Aussi, celle-ci se développa très vite par rapport au reste du royaume. Ses principaux collaborateurs s’embourgeoisèrent, prirent de nombreuses épouses et accumulèrent d’impressionnantes fortunes. Ils le firent tant et si bien qu’ils ne parvenaient plus se contenter de la seule province de GBAZA. Ils voulaient tout le royaume. Mais KOULIDJOMBO tardait à mourir.
TENDE avait maintenant quarante ans. Certains de ses conseillers quant à eux avaient le double de son âge et le roi KOULIDJOMBO était toujours vivant. Les conseillers de TENDE lui suggérèrent alors de renverser son vieux père le roi de BOMANDORO.
- Si je lui fais un coup d’Etat, leur dit-il, qui me donnera le costume royal et me livrera le secret de marcher sur le fleuve sacré ?
- Très simple, lui répondit le plus impatient d’entre les conseillers. Il suffit de massacrer ces vilaines bêtes et de confectionner un costume analogue à celui du roi.
- Le costume d’accord. Mais qui me livrera alors le secret du fleuve sacré ?
- Tu t’en passeras, lui répondirent les conseillers impatients.
- Et le peuple alors dans tout ça, demanda TENDE à ses conseillers ?
- Le peuple, c’est comme de l’eau. Elle prend toujours la couleur et la forme du vase qui la contient. Un roi n’est pas fait pour être aimé, mais pour être craint.
- Je ne peux pas tuer mon père, leur répondit TENDE. Je préfère l’envoyer en exil.
- Tu es naïf enfant. Si tu l’envoies en exil, il continuera d’être un danger pour toi et pour ton royaume…
La résolution fut prise. Au cours d’une nuit qui était peut-être une journée, les zèbres furent attaqués et massacrés malgré leurs supplications. Des troupeaux entiers furent décimés et leurs peaux arrachées. TENDE confectionna alors un majestueux costume royal et le porta aussitôt. Mais bien que ce fut la grande saison des pluies à BOMANDORO, en quelques minutes seulement, le costume royal sécha sur lui. Car cela n’était pas conforme à la tradition et au pacte signé avec les zèbres. TENDE eut une sensation d’étouffement et fit venir ses proches collaborateurs pour leur demander conseil. Avant que ceux-ci n’arrivent auprès de lui, la douleur était si lancinante que TENDE se mit à pleurer. Il versa toutes les larmes de ses yeux, mais le costume ne faisait que l’étouffer. La douleur était de plus en plus vive. TENDE était maintenant en train d’agoniser.
La nouvelle traversa rapidement les montagnes et parvint à son père. Le roi KOULIDJOMBO dépêcha ses cavaliers les plus rapides auprès de son fils. Les chevaux galopèrent et volèrent à la vitesse de la lumière. Quelques minutes plus tard, TENDE était face à son père qui lui demanda :
- Qu’as-tu fait de ton serment TENDE ?
Le prince espiègle pleurait, gémissait et n’avait plus de force pour répondre. Le roi ordonna alors que l’on fasse venir les zèbres afin qu’ils viennent délivrer TENDE de son costume devenu une véritable camisole de force. Après plusieurs rites et offrandes, les zèbres demandèrent que TENDE fût trempé dans le fleuve sacré GUIBANOU. Dès que cela fut fait, les MBILINGOUS, ces esprits magiques qui habitent les eaux du fleuve délivrèrent TENDE de son costume. Quand il retrouva tous ses esprits, TENDE demanda à boire et à manger.
- Comme tu as violé le pacte qui nous lie, tu ne boiras pas de notre eau et ne mangeras pas de notre nourriture, lui rétorquèrent les zèbres.
- J’ai été induit en erreur par mes conseillers, reconnut TENDE. J’implore votre pardon.
Dans la mesure où les zèbres ne sont pas rancuniers comme les hommes, ils pardonnèrent à TENDE. Ce dernier fut conduit au palais royal où il se restaura. Le roi convoqua alors les dignitaires du royaume afin de présenter aux zèbres survivants des excuses officielles. TENDE ainsi que ses conseillers se confessèrent durant ces assises et rassurèrent tout le monde que plus jamais ils ne violeront le pacte avec les alliés du royaume. Puis TENDE quitta la province de GBAZA et regagna le palais où il vécut auprès de son père. Ce dernier lui inculqua des notions de fidélité et de loyalisme. Ainsi prit fin la tentative de renversement du roi KOULIDJOMBO et le conflit avec les zèbres. Le prince TENDE continua l’apprentissage de l’exercice du pouvoir auprès de son père jusqu’à la mort de ce dernier.
Après la mort du roi, les zèbres organisèrent la succession conformément aux traditions et au pacte qui les liait au royaume. Mais très affligés par la disparition de KOULIDJOMBO, ils regagnèrent le domaine de leurs ancêtres, la forêt, au-delà du grand fleuve, laissant les MBILINGOUS servir d’intermédiaires entre eux et les hommes.
TENDE, enrichi de son expérience à GBAZA et des conseils de son père fit de son royaume un modèle de paix, de tolérance et de prospérité pour les nations du monde entier.
Bangui, Espace Linga Téré, le 07 octobre 2009