L'embellie de l'embolie -1
Note infra-paginale
(dépêche retardée)
Voici une poésie à taille humaine, une partition nouée à la brièveté de la vie, à la précarité de l'existentiel. Écrite à la hâte, échafaudée à mesure que se meurt en Haïti la vie, cette poésie s'éprouve devant quel rapproché inattendu de la mort : le séisme survenu le 12 janvier 2010, en Haïti. Séisme suscité et entretenu par l'inconnaissance.
Dans cette mise en orbite d'un drame déchaînant en tout lieu la mort, la poésie trouve son exigence dans l'évocation urgente de ce drame dont les soubresauts intimes, les morbidités effarantes parce qu'effrénées, entraînent un réel désarroi orchestré par l'irrationnel.
Par la poésie que voici, il nous a paru séant de joindre notre voix chuintante, aux voix polyphoniques du reste du monde comme manifestation de notre solidarité diligente à l'endroit de ce peuple évincé de la sérénité, de la lucidité de vivre : le peuple haïtien.
C'est par la poésie que nous tentons de pénétrer le réel de ce drame. De plain-pied, cette fiction lyrique scande le contingent et s'en tient à une méditation passionnément imagée d'un moment troublant : le moment où l'homme, considérable passant en cessation de rêves dynamiques, se trouve éjecter hors de cette vie qu'il habite malgré lui.
Comment en effet, du fait de la mort, articuler en mots, ce qui éloigne en s'éloignant ? Ce qui perturbe le fondement même de l'existence, comment versifier cette équation assommante, attelé que nous sommes à vivre en nous observant vivre ?
Perdre teerre, au plus fort du vécu, c'est naturellement se perdre, c'est-à-dire, vivre à la surface de soi, dans la suspension anthropologique, cosmogonique ! Autrement dit, c'est se complaire dans la décalcomanie culturelle, dans l'ustensilité, dans le prosaïsme d'une vie anamorphosée au creux d'actes de répétitivité.
L'île existe. Résiste. Toujours, elle a existé en résistant contre les assauts de tous ordres, venus de tous lieux de domestication humaine. De la savoir confiante en elle-même parce que conquérante, nous pousse à signifier par le poème, son existence emblavée, bravant toute morbidité du dedans, toute mortalité de l'esprit ! En rapaillant en bouquets, les mots d'aube et d'éclaircie bienveillante, l'île cesse de graviter dans la gravité, en se cherchant invariablement, en se déchiffrant à l'intérieur d'un lieu qui est son lieu de contradictions méta-discursives. D'antinomies mesurées.
À force de remonter vers la pensée pour mieux s'occuper de soi, l'île se constitue dans la simplicité du concret. De tout temps, depuis la primordialité de son existence vertigineuse dans les cannaies, depuis sa descendance mémorable, Haïti condense en soi, une sorte d'unité signifiante de sa communauté et s'ébranle vers cette alchimie pour vivre en son pur maintenant.
La récente secousse de son écorce terrestre, nous contraint à lire Haïti à livre ouvert comme s'accomplissant non dans le fatum, mais dans le noumène, sous la poussée d'une prolifération de signes et de signaux devant accompagner l'île, mutatis mutandis, vers une bonhomie diffuse de valeurs onto-culturelles, affectées d'un coefficient de sociologisation purificatrice. De solidification rassurante de l'entour.
À cet égard, le récent séisme doit être compris comme une approche difficile et obscure de soi. D'un bout à l'autre d'une terre de rédemption façonnée par les divinités de toujours : les fameux vôdun venus droit du golfe du Bénin, plus précisément de ce Dahomey qui entrelace l'existentiel et le religieux, de manière endogène, de manière forte et exemplaire !
L'irréductible fidélité de l'île à elle-même, suppose sa symbolique de la multitude, de cette multitude donnant existence à une terre s'exerçant à vivre en prenant la mesure de ce qui lui appartient en propre.
Haïti ne mourra guère d'inanition. Les déités contribuent à sa suprême existentialité, à sa grandeur intime. En cela, cette terre, en écoutant son instinct, est à même de quérir, de concourir à sa propre mystique, en tirant de ses habitants sans cesse en-soleillés, sa source et sa faim d'être inlassablement, sa référence cardinale !
Nous rendons hommage à cette île sans abri, déambulant dans une terre qui lui appartient aujourd'hui, depuis fort longtemps et pour laquelle, elle nourrit de conflictuelles ambitions. Pour quel intérêt ? Il faut tenter de vivre, disait jadis et naguère, à l'aube d'un siècle nouveau, un poète français de noble lignage moral et de bonne compagnie : Paul Valéry.
Douala , Cité de Bonamoussadi
(La Roseraie du Goyavier)
Huit Février
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