Mesure de l'amour, Fernando d'Alméida
Un livre savant qui exalte la géographie du corps féminin.
Un livre fait grand bruit sur les berges du Wouri : Mesure de l’amour. Un livre publié par le Centre Culturel Français Blaise Cendrars. Il s’agit en fait d’un long poème qui se déploie sur cent vingt huit pages à travers lesquelles l’auteur exalte le corps féminin dans une figuration où fulgure l’abstrait dans la parabole du souvenir et l’hystérie de l’instant.. La mythologie du corps reconstruit la grammaire du désir dans un sens qui n’est intelligible que si l’on se souvient que l’homme qui parle en poète dans ici s’appelle Fernando d’Almeida et qu’il enseigne les littératures française, belge et québécoise à la faculté des lettres et sciences humaines de l’université de Douala.
Noué sur le féminin pris et compris non pas seulement comme un bien de consommation sexuelle, mais bien davantage, comme l’adjuvant indispensable qui donne un sens à la vie, ce long poème revisite le corps de la femme dans ce qu’il a de plus intime, de plus spécifique et de plus constant. Il s’agit pour l’enseignant qui parle ici de reconstruire une syntaxe du corps féminin qui soit plus conforme à la notion de femme, tout en respectant la singularité de celle qui est mise en perspective et qui pourrait s’appeler du doux nom de la dédicataire du livre : Blanche. Il n’y a donc pas une seule partie du corps de la femme qui ne soit convoquée dans cette Mesure de l’amour où la géographie du désir s’écrit dans la crudité et où la nomination des choses s’effectue avec un réalisme inhabituel. Et c’est à ce titre que ce livre est intéressant. Car, lorsqu’on est accoutumé à la poésie de ce poète d’habitude si aérienne, si spirituelle et si immaculée de la corporéité depuis son recueil intitulé Au seuil de l’exil, cette centration extrême sur la partie inférieure du corps de la femme qui est répétée de manière incantatoire peut stupéfaire à plusieurs égards. Mais s’étonner devant une telle surabondance du sexe reviendrait à oublier qu’entre Au seuil de l’exil et Mesure de l’amour se sont écoulées vingt huit années pendant lesquelles en bon anarchiste trotskiste, le poète a épuisé tous les combats. Le vent de révolution permanente qui l’a traversé au cours de ces années-là semble s’être mué aujourd’hui en un matérialisme d’autant plus hédoniste qu’il est surchargé de toute la spiritualité néolibérale de ce siècle. Entre temps, il a produit la matière de plus de vingt recueils de poèmes qui constituent dans son itinéraire spirituel comme autant de saisons dont les principaux soubresauts semblent culminer dans Traduit du je pluriel, En attendant le verdict, Travaux du merveilleux, La gloire des Dieux et La parabole du lieu. Mesure de l’amour marque par conséquent chez ce poète un tournant sur lequel il convient de s’arrêter, tant il est saisissant, tant aussi il donne à penser qu’enfin le poète s’est résolu à ne plus être qu’un homme ; c’est-à-dire, d’assumer pleinement sa virilité dans ce qu’elle a de plus masculin et de plus humain. « Donc nulle rhétorique bien pensante, nulle éthique du convenu mais toujours cet affleurement dans l’archaïque restauré quand le mot et le corps consentent à ritualiser l’ovaire, le pubis, l’utérus et le clitoris ici mandés, ici devenus une juste centration verbale ». Il s’agit en clair pour lui de s’insurger contre l’appris, l’habituel et la norme morale officielle. Et c’est à ce titre que ce livre est subversif. Car, il traite du sexe avec une liberté qui dérange, parce qu’elle prend sa source dans l’habituellement tabou. Mais le sexe, comme le dit Octavio Paz n’est-il pas d’abord subversif parce qu’il est égalitaire ? Les hommes ne sont-ils pas tous égaux devant le sexe comme ils le sont devant la mort ? Fernando d’Almeida a choisi dans son livre de cerner l’homme par ce qui concerne tous les hommes, en construisant une esthétique clitoridienne qui fait complètement abstraction de ce qu’il est convenu d’appeler bonnes mœurs, en exaltant l’univers vulvaire «dans l’enchantement de la nuit qui résulte de l’utérus ».
Commentaires
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- 1. Opoto Le 23/07/2009
Bel article et bel hommage au poète du Wouri.
20 août 2008
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